JUILLET l590.                                    63
aux chiens et les manger, et des herbes crues, sans pain : qui estoit chose hideuse et pitoiable à voir.
Tout ce qui estoit à bon marché à Paris estoient les sermons, où on repaissoit le pauvre monde affamé de vent, c'est-à-dire de baies et menteries : lui donnant à entendre que c'estoit chose fort agreable à Dieu de mourir de faim, voire et qu'il valoit mieux tuer ses propres enfans, n'ayant de quoi leur donner à manger, que dc recevoir et recognoistre pour roy un heretique; estant au surplus tous les prédicateurs bien empeschés à excuser et donner couleur au long secours du duc de Maienne, et faire gouster au peuple les nouvelles de madame de Montpensier, qui estoit tout l'Evangile qui se preschoit en ce temps à Paris i selon les billets que ladite dame leur envoyoit pour l'Evangile de chaque jour (0.
Ce jour de vendredi 27 juillet, M. de Nemours, qui ne donnoit ne nuit ne jour, et qui souventefois met-toit lui-même la main à l'œuvre, fist terrasser la porte Saint-Honoré, que le Roy deliberoit de battre vive­ment : la remparant de telle façon qu'il rendist ce lieu là asseuré contre tout ce que l'ennemi y pouvoit at­tenter.
Ce jour mesme, M. de Gland, frere de ma femme, estant à la boutique de maistre Jean de Saint-Germain l'apotiquaire, fust blessé à la jambe d'un coup de bou­let tiré à l'avanture par ceux du Roy, duquel pour n'a­voir fait quefraier il guairist tost apres, n'i aiant voulu employer autre chirurgien pour l'en penser que soi-mesmes.
(1) V Evangile de chaque jour : C'étoit ce qu'on appeloit prêcher par billets.
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